Livre du Centenaire

  1. La Réforme en Chablais
  2. Mornex et sa chapelle
  3. Erection du Temple
    d'Annemasse
  4. La paroisse de 1895
    à 1921
  5. L'entre-deux guerres
  6. La guerre et la paroisse
  7. L'après-guerre
  8. Dans le temple rénové
  9. Aujourd'hui ou presque
  10. Cent ans d'existence
  11. Annexe I
  12. Annexe II

Eglise Protestante Unie du Genevois et Giffre


La guerre et la paroisse

La guerre, suivie bientôt par l'occupation italienne et allemande, perturbe à nouveau la paroisse. Le pasteur Bach a été mobilisé. En son absence le pasteur Burnat le remplace, cependant que le pasteur de Ferney assure les cultes à St Julien. Lors des permissions du pasteur Bach, le Conseil est souvent convoqué précipitamment par téléphone. Le vice-président était à cette époque M. Perrier. La municipalité a ouvert une garderie, car les femmes doivent travailler en l'absence de leurs maris mobilisés.

1940: le Synode régional a lieu à Livron dans la Drôme, et le pasteur émet le voeu qu'il soit ouvert à des délégués laïcs responsables dans les paroisses. On forme des comités pour structurer les annexes de la paroisse, à Reignier, à St Cergues, à Collonges, à St Julien.

1941: Plusieurs pasteurs de Genève remplacent tour à tour le pasteur Bach, en particulier les pasteurs Bovet et Burnat. Les paroissiens organisent l'envoi de colis aux prisonniers et aux évadés. Le pasteur Bach rentré dans la paroisse présente au Conseil ses diplômes universitaires de Théologie, et il passe de suffragant à pasteur de l'église Réformée de France d'Annemasse.

On continue de chercher un lieu de culte à St Julien, on étudie la possibilité de fêter le cinquantenaire du Temple. Les horaires de l'enseignement religieux sont fixés par une loi du régime de Vichy au matin de 8 heures à 8 h. 45. Mais surtout il y a les nombreux problèmes de la guerre, de l'occupation, des réfugiés, de la Résistance, des dissensions entre paroissiens...

La guerre à Armemasse, fut comme ailleurs, une période complexe et qui souleva des passions. La Savoie faisait partie de la zone libre laissée à la France par l'armistice signé par Pétain, lequel effectua, à Annecy, en septembre 1941, un voyage officiel qui déplaça un grand public. Comme ailleurs, on dut y appliquer les lois iniques du régime de Vichy contre les Juifs. La Savoie fut envallie sans coup férir par les troupes italiennes, à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord. Les Allemands, dès 1942, prirent place en Savoie, mais ne firent que transiter par la Haute Savoie. Ils s'y déployèrent en septembre 1943, après l'armistice entre Badoglio et les forces Alliées.

A Annemasse quatre hôtels furent réquisitionnés par les SS, dont le tristement célèbre "Fax Hôtel". La famille Bach, aidée de quelques amis fut très active de 1941 à 1943. Elle fit passer de nombreux Juifs pourchassés par Vichy, puis par la Gestapo, à travers le presbytère, et de là en Suisse voisine. La chaire du Temple servait de boite postale clandestine. Environ 150 Juifs ou résistants passèrent ainsi en Suisse grâce au point de passage qu'était le temple d'Annemasse.

Voici ce qu'écrivait à ce sujet Mme Bach, qui joua un grand rôle en cette période. "Depuis mon retour j'ai été et je suis encore submergée, cela n'arrête pas, les gens, les problèmes se succèdent dans la maison à une allure que je n'arrive plus à dominer. On dirait que la maison les attire. Puis, chaque soir, il y a mes évadés. Ma petite lumière dans la nuit."

Lettre de Jeanne Bach, en date du 9 février 1940. Cité d'après En souvenir de Jeanne Bach (1891-1949).

Mais, déjà en 1942, le pasteur Bach, arguant d'un surmenage dû à ses études, interrompt momentanément ses activités, il est à nouveau remplacé par des pasteurs venus de Genève (Mottu et de Benoît de Roulet). En réalité il s'était engagé dans la Résistance et dirigeait un maquis. Son épouse restait seule au presbytère, poursuivant courageusement l'action de sauvetage, mais devait bientôt se réfugier à Morzine, et enfin, après la déportation par les Allemands de leurs amis protestants Bailly, partait se cacher dans le Nord de la France, au Gâteau.

Naturellement tout le monde n'était pas d'accord avec la transformation du presbytère en lieu de passage pour réfugiés et en filière d'évasion pour juifs. Voici encore ce qu'écrivait Mme Bach le 23 juin 1943 à une amie:

"Je t'ai dit que la coupe était pleine. Ces jours-ci j'ai fait l'expérience de la dureté, d'une certaine incapacité de comprendre certaines choses, et de l'abîme qu'il peut y avoir entre la charité chrétienne dont on parle, que l'on prêche, qui fait partie du discours d'usage lorsque l'on serre la main à quelqu'un qui est dans la difficulté, et la réalité. Ce refuge que nous avions dans le presbytère gêne, il faut le supprimer.(...) J'ai aussi trouvé dans cette paroisse des amitiés fidèles et douces qui resteront le souvenir lumineux des années d'ici."

Les filières d'évasion en question impliquaient en général un pasteur de l'intérieur, en particulier le pasteur Theis, du Chambon - sur-Lignon. Il envoyait au presbytère d'Annemasse (ou aux cures de Douvaine, de Collonges...) des groupes d'enfants juifs qui étaient aussitôt confiés à des passeurs, on passait la frontière principalement du côté de Juvigny.

Les passeurs furent presque tous déportés, et périrent, tels M. et Mme Bailly (un square, rue Fernand-David, rappelle leur mémoire). L'action des Bach à Annemasse s'inscrivait dans un mouvement plus vaste, celui de la CIMADE (Commission Inter-Mouvement auprès des évacués), né en 1939, dirigé par le pasteur Marc Boegner, et qui organisa le sauvetage de nombreux Juifs. Le pasteur Chapal d'Annecy avait organisé toute une filière depuis Marseille jusqu'en Suisse.

En janvier 1993 Israël lui conféra à titre posthume la Médaille des Justes. Du côté catholique les dévouements poussés jusqu'au sacrifice suprême ne manquèrent pas non plus, comme en témoignent, entre autres, les destins du père Louis Favre, du petit séminaire de Ville-la-Grand, fusillé le 13 juin près d'Annecy, ainsi que ceux de l'abbé Jean Rosay de Douvaine, mort en déportation, lui aussi titulaire de la Médaille des Justes, mais à titre posthume, ou de l'abbé Marius Jolivet, curé de Collonges-sous-Salève...

Tous témoignent de ce que l'Ambassadeur de France Jean-Marie Soutou, un des fondateurs de Témoignage Chrétien, a dans une cérémonie organisée à Douvaine en mémoire de l'abbé Rosay, appelé "l'insurrection chrétienne contre le totalitarisme".

Cependant la vie paroissiale se poursuivait, et devait se poursuivre, même si, selon des témoignages reçus, Mme Bach devait veiller lors de tel repas de paroisse à ce que les "pro-Résistants" soient dans une salle, et les autres dans une autre. Le pasteur Westphal, président du Consistoire, rend alors visite à la paroisse et il est décidé de proposer la création d'un deuxième poste pastoral pour les disséminés, car il y a maintenant plus de 800 foyers protestants, sans doute en raison d'un afflux de réfugiés venus du nord du pays.

1943: La Région entérine la création d'un second poste, et le pasteur Thenet, de Livron, dans la Drôme, est candidat. Le pasteur de Roulet assure l'intérim du pasteur Bach, dont la paroisse a pris congé après un culte d'adieu très émouvant. Mais, n'ayant pu obtenir l'autorisation d'exercer en France, il doit regagner Genève après onze mois de service dans la paroisse. Un étudiant en théologie, M. Michel, seconde le pasteur Thenet.

Il faut nommer un nouveau pasteur dans le secteur d'Annemasse. Le pasteur genevois Grandchamps, pressenti, doit renoncer faute d'une autorisation. On élit alors le pasteur Schneider, un Alsacien qui a occupé le poste de Cannes, mais ne s'est pas bien adapté au Midi. Il définit son rôle devant le Conseil, comptant avant tout miser sur les visites et sur une action au niveau de la jeunesse. On loue un appartement à Ambilly pour le pasteur Thenet.

On crée un fichier des paroissiens. On envisage la création d'un poste de diacre pour l'aide sociale aux familles nécessiteuses. Le pasteur Schneider veut faire une conférence publique sur le protestantisme. Un différend éclate entre lui et le pasteur Thenet, dont le style était plus "classique", ce qui l'amène à démissionner le 11 novembre 1944, après une séance exceptionnelle à laquelle prend part le président du Consistoire. Il sera remplacé par le pasteur Gruner, un Suisse, ancien pasteur à Chancy (Genève), puis sur le plateau ardéchois, à Mars, et qui restera en poste jusqu'à 1950. Avec son épouse, le pasteur Gruner a beaucoup oeuvré pour la jeunesse, et pour la chorale.

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