
Notre Groupe d’entraide continue sa route. Il a, cet été, encore donné trois bons coups de pouce bien nécessaires à des personnes en difficulté. N’oublions pas les deux versants de notre activité. Notre corps a mains, pieds, yeux, poumons... et un seul estomac.
Dans la fable d’Esope, les membres se rebellent contre l’estomac, qu’ils ne font que nourrir et qui ne fait rien pour eux. Mais lorsqu'ils cessent de nourrir "messire Gaster", eux-mêmes s’anémient et sont près de périr. Il en va de même dans l’Église : le texte de Paul aux Corinthiens sur les membres et le corps est là pour nous le rappeler.
Et il en va de même aujourd’hui, où l’on met en question la nécessité de l’aide aux étrangers qui frappent à la porte. Il nous faut, à nous aussi et à notre minuscule échelle, avoir mains, yeux, poumons et estomac. Les mains qui donnent une cotisation, les yeux qui cherchent celui ou celle qu'il convient d’aider rapidement. Ou, mieux encore, bien sûr avoir et les mains qui donnent et les yeux qui veillent.
Le conte de l’ânon fou nous dit que le manque de solidarité finit toujours mal !
Georges Nivat
Dans un village, une ânesse avait mis bas. Quelques mois plus tard, le petit de l’ânesse savait maintenant marcher, et même prenait de plus en plus goût à la course. Tous les jours, il galopait dans les artères du village. Noon, le chat, s’en inquiéta.
Il s’en ouvrit à Koo, la poule, qui n’en tint aucun compte : les affaires des ânes ne concernaient pas les poules. Alors, le chat s’approcha de Boé, la chèvre, et lui dit : "Cet ânon qui court à travers le village va nous attirer un malheur. On devrait en parler à sa mère." Boé, la chèvre, ne l’écouta pas et continua de vaquer à ses activités. Le chat s’approcha alors de la vache : "Est-ce que nous ne devrions pas dire à l’ânesse de conseiller son petit sur sa manière de courir à travers le village ?" Mais la vache considérait qu'ânes et vaches n’avaient rien en commun. Le chat n’eut pas plus de succès avec le cheval. Alors, il finit par se taire.
L’ânon continuait toujours sa course folle, jusqu’au jour où il piétina le nourrisson du chef du village, qui mourut. Il fallait annoncer la triste nouvelle à toute la lointaine parentèle du chef dans les villages proches ou éloignés. On se saisit du cheval, qui partit au grand galop, à en avoir le souffle coupé.
En attendant ses hôtes, le roi ordonna, pour le banquet à venir, d'égorger des poulets. On en tua une centaine. Il fallait aussi des sacrifices aux mânes des ancêtres, on en tua une autre centaine. Le roi décida que les poulets ne suffisaient pas, il fallait y ajouter des chèvres. Ce qui fut aussitôt fait. Pour finir, il pensa qu'il fallait également tuer une vache. Ce fut fait sur le champ.
Le chat suivait de près l'exécution de tous ces ordres, et il grommelait à haute voix : "Qu’est-ce que je vous avais dit ? Que cet ânon finirait par nous créer un malheur. Eh bien voilà, c'est arrivé ! Pour ma part, je sais qu’on n’a jamais offert en sacrifice ni tué un chat pour accueillir des hôtes, et donc je ne suis pas concerné, mais il fallait que je vous avertisse."
Conte en langue san du Burkina Faso, recueilli par l’abbé Jean Paulin Ki, sociologue. Adapté par Georges Nivat